« J’ai reçu de l’argent sur mon compte de monnaie électronique, il y a quelques temps. Je suis allé au village voisin situé à 3 km, impossible de faire le retrait. J’ai dû prendre une mototaxi, faire 8 km de plus pour pouvoir faire mon opération. Entre le transport, les frais de retrait, j’ai perdu quatre mille francs sur le montant initial que je devais toucher ». Mohamed Tidiane Cissé, 32 ans boutiquier de Passy Ngayenne dans la commune de Nioro, évoque cette anecdote pour expliquer l’intérêt qu’il trouve aujourd’hui à la solution mise à sa disposition par la fintech Intouch. Une solution de « guichet unique » qui lui permet de faire des opérations sur une seule interface avec plusieurs fournisseurs de services. Cette innovation du marché sénégalais est proposée par la fintech Intouch dans le cadre du projet réseau d’agents ruraux, avec l’appui du programme MM4P de UNCDF. Mohamed fait partie des premiers agents ruraux installés dans cette zone.

A l’origine de ce projet, un constat : la faible pénétration des services financiers numériques (SFN) en zone rurale sénégalaise. La cartographie des points SFN, réalisée par le cabinet Mix Market avec le soutien de UNCDF, a révélé que sur 21 départements regroupant 3,7 millions de sénégalais il y aurait moins de 5 points d’accès pour 10,000 habitants.

Une analyse préalable du cabinet avait aussi identifié des zones prioritaires dans lesquelles le déploiement d’un réseau additionnel d’agents permettrait de combler cette différence en termes d’accès aux services financiers. Parmi celles-ci, on note Nioro, Foundiougne, Velingara.

Dans la mise en œuvre de ce projet, Intouch propose une offre de distribution de SFN complète couvrant l’essentiel des besoins des clients, à partir d’une seule interface. Cette solution est a mise à la disposition d’agents recrutés dans les départements précités. Le déploiement a commencé en décembre 2017 dans les départements de Nioro et Foundiougne où respectivement 97 et 24 points sont déjà installés et actifs (au moins une transaction sur les 30 derniers jours). Au total, 368 agents seront installés d’ici janvier 2019.

Même s’il est prématuré de tirer des conclusions, l’enthousiasme dont font preuve les premiers agents ruraux rencontrés, et leur grande satisfaction quant à l’opportunité de business qui leur est offerte, sont stimulants.

Les premiers défis auxquels il faut faire face dans cette première phase sont liés à l’infrastructure de base. « Il n’y a très souvent pas de réseau par ici et parfois le téléphone s’éteint en pleine transaction parce que la batterie est déchargée. Nous n’avons pas d’électricité, nous utilisons le solaire » a expliqué Mohamed.

Ce dernier est convaincu du potentiel de son « nouveau business » qui pourrait être encore plus rentable sans ces deux contraintes. Très motivé, il cherche lui-même à contourner ces obstacles et n’hésites pas à monter sur un arbre pour accéder au réseau, ou envoyer la batterie de son téléphone en charge à quelques kilomètres du village. Grâce à sa nouvelle activité, Mohamed facilite la vie d’une cinquantaine de personnes de son village depuis deux mois et l’engouement des habitants de son village le pousse à trouver des solutions pour la connectivité limitée. N’est-ce pas là une opportunité pour les opérateurs de téléphonie mobile ou pour les fournisseurs de solutions d’amplification de réseau¹?

L’une des stratégies d’intervention de MM4P au Sénégal c’est de favoriser la mise en œuvre de prototypes pour démontrer les opportunités qui existent en matière de finance digitale.

Dans les prochains jours, les départements de Podor et Kanel accueillerons la seconde phase de déploiement du projet. Et de nouveaux défis seront sans doute identifiés.

^{1.Amplificateurs, répéteurs GSM↩}